• La fenaison



    Julien Dupré
    peintre français (1851 - 1910)



         Il va falloir faucher le foin, le mettre en meules.
    La fourche, le rateau, la brouette, les bras,
    La sueur, les ahans sous l'azur au teint gras :
    Un labeur qui proscrit les pleutres et les veules
    Dont les efforts, aux prés, aux pâtis sont ingrats.

    Voir ces gens besogneux, les manches retroussées,
    S'activer sans répit, nous oblige à bénir
    Leurs cœurs déterminés : L'homme, tel un menhir
    Défiant tous les vents, réagit aux poussées
    De la sève qui bout dans ses nerfs sans finir.

    La femme, jouissant d'une ample robustesse
    D'admirable roustaude, a des gestes rythmés.
    On la voit, sans foulard, gardant les doigts fermés
    Sur le gros manche en bois. Honte à toi, vicomtesse !
    Toi que la flemme tue en des airs périmés..

    Descends de cette tour aux puanteurs macabres !
    Va te chauffer les os et voir les paysans
    Respirer les senteurs des foins, leurs fronts luisants
    Au soleil de mi-juin tels de beaux candélabres
    Exposant aux regards leurs reflets séduisants.

    Maître Dupré, ces mots, éclos à la lumière
    De ton pinceau célèbre, auront-ils ta faveur ?
    Grâce ! daigne accepter d'un déférent rêveur
    Ces vers incohérents jaillis sous sa chaumière
    Lors d'un soir où, souvent, délire le trouveur.

    Mohammed ZEÏD
    Flormed


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  • G. P. F. Laurent Laugée
    peintre français né en 1853  et mort en1937


    La journée est finie. On rentre à la maison.
    Le ciel s'est altéré. La pluie! On se dépêche.
    Lui, pousse la brouette, elle, porte la bêche
    Et, la main sur le sac, maintient la cargaison.

    Leur enfant, d'un panier se couvrant la binette,
    Trotte gaillardement sur le sentier glaiseux.
    Leurs habits maculés de boue et l'air taiseux
    Qu'ils ont content l'effort. Pas besoin de lunette !

    Ces gens sont vigoureux, peu leur chaut la saison.
    Vivant de leur sueur, jamais ne les empêche
    Le temps qu'il fait. Au bled, sous le soleil qui lèche
    Leurs fronts ou sous le gel, la vie a sa raison.

    Pour ces bons paysans, il vaut mieux vivre honnête,
    Dans des murs en pisé, loin des gros niaiseux
    Puant un luxe infect dans leurs castels gréseux.
    Tels sont leur seul trésor, leur valeur la plus nette.



    Mohammed ZEÏD

    Ce poème est un doublet

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  • Jean-Baptiste Corot
    peintre et graveur français
    (1796-1875)


    Le fils du roi de Thrace et de la muse au front
    Ceint de lauriers, Orphée, endeuillé par la perte
    D'Eurydice, voulut, des enfers, vous diront
    Les grecs,  la ramener, même de feux couverte.

    Il s'engouffra, lyre à la main et cœur vaillant.
    Indulgent fut Hadès. Il lui permit d'extraire
    Du schéol son aimée. Il sortit en graillant
    Un chant d'amour. Corot a bien su les portraire.

    On l'avait intimé de fuir sans adresser
    Nul regard à la femme obligée à le suivre.
    Les voilà près du Styx, dans un sous-bois fumeux !

    Dans cet étrange endroit peuplé d'êtres squameux,
    Il eut un désir fou de jeter un œil ivre
    Vers elle, il ne fallait l'oukase transgresser.



    Mohammed ZEÏD


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  • La laitière regardant sa vache.
    Peinture de Julien Dupré,
    peintre français, (1851 -1910.)



    Ô berceau de Dupré, terre de Picardie,
    Du ciel ocré descend la nuit qui vient couvrir
    Tes pâtis d'où revient la manante enhardie
    Portant à bras et joug le lait que le zéphyr
    Parfume et rafraîchit. La princesse champêtre
    Fixe d'un regard doux la vache en train de paître :
    «Ton pis, fort généreux, lui dit-elle, crois-moi,
    Vaut pour nous un trésor qui mettrait en émoi
    Plus d'une vicomtesse et plus d'une marquise.»
    Et d'un pas souverain, la belle au teint cuivré
    Va, son cou gracieux, au vent du soir, livré
    Une nymphe, une fée, à la peinture acquise

    Béni sois-tu, seigneur ; béni soit ton pinceau !
    Grâce à ton art, dut resplendir la vie agreste
    Aux yeux de l'univers car de chaque monceau
    De verdure jaillit la beauté de ton geste
    De génie adorant le grand air et la paix
    Dont tu savais signifier tous les aspects.
    Les picards, à ce jour, font valoir la noblesse
    De ton style élevé dicté par la simplesse
    De ce vaste jardin que tu sus embellir
    Par les saphirs brillants de ta riche palette
    Tel ce bijou humain sans madras ni voilette
    Qui pourrait, de vertu, tout un couvent remplir.




    Mohammed ZEÏD


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  • En gardant le troupeau.


    "Custodendo il gregge" Luigi Chialiva (1842-1914)





    Vivre dans la nature avec troupeau d'ovins
    C'est se gaver d'air frais, c'est s'emplir les pupilles
    De la beauté champêtre ouvrant monts et ravins
    Et prés bordés de bois peuplés d'oiseaux sylvains
    Offrant leur symphonie et leur concert de trilles.

    Là, se vit, pleinement, la paix, de l'aube au soir
    Sur la rive limpide où s'amuse l'agnelle
    Qui se plait à tremper, dans le brillant miroir
    De l'onde, ses sabots ; naturel abreuvoir
    Où coule allégrement une eau claire, éternelle.

    Là, le pâtre avenant subjugue la bergère
    En jouant du pipeau. Mieux que les mots, les sons
    Semblent hypnotiser la fille qu'il espère
    Séduire. Elle, gardant sa vertu de rosière,
    Le regard bas, sent que son cœur a des frissons.

    Le chien, stupéfié, paraît épris des notes    
    De son maître. En levant vers le ciel son museau,
    Il ouvre, intéressé, ses oreilles dévotes.
    Le vent dans les feuillus et le chant des linottes
    Accommodent leur chœur aux soupirs du roseau.  

    Ah! si j'avais ton don, j'aurais dépeint des toiles
    Dont s'émerveille l'œil et se repaît l'esprit !
    Ô Luigi, d'où sors-tu ces nymphettes sans voiles
    Suivant les biens laineux parsemés en étoiles
    Dans les pâtis en fleurs où l'amour n'est proscrit ?



    Mohammed ZEÏD


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