• Tristan Corbière

    Morlaix, jadis Ploujean, le vit naître et mourir
    Confiant au caveau ses maigres trente années,
    Ne laissant aux lecteurs que les pages fanées
    Des "Amours", seul recueil menacé de périr.

    Pour le bonheur des adorants des vers à rimes,
    Verlaine eut le bon sens de fort bien brillanter
    Le livret du breton puis sa valeur vanter.
    Tu nous parles,Tristan, du fond de tes abîmes.

    Tu n'es pas mort. Ta voix résonnera toujours
    Sous le ciel. Si court fut ton malingre parcours
    Mais combien avenant fut le flux de ta muse !

    Dors en paix ! Si la vie avait brusquement fui
    Tes côtes, ton âme a, près des inspirés, lui.
    Si tu trouves chétifs ces mots, je m'en excuse !




    Mohammed Zeïd
    Flormed
    "Les Amours jaunes" est l'unique recueil de poésie du « poète maudit » Tristan Corbière, publié en 1873 chez Glady frères éditeurs à Paris Wikipédia

    Pour lire ce recueil → Wikisource

     


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  • «La liberté guidant le peuple»
    Eugène Delacroix (1798-1863 )



    La grâce de la main brandissant la bannière,
    La robe laissant voir des tétons chaleureux,
    Le chignon et les yeux défiant la poussière
    Et la fumée ont fait d' Eugène un homme preux.

    Que serait notre vie alors que les mains sales
    L'étouffent dans la nue infecte que nourrit
    De gaz asphyxiants le répandeur de balles
    Qui s'extasie à voir que le trépas fleurit.

    Bouts de haillons roussis, fragments de chair qui crame..
    Ô liberté, guère tu n'es grain de sésame !
    On veut te dépouiller de ton pouvoir sacré.

    Mais, non, rassure-toi, les amoureux des roses,
    Auront toujours ton nom, au fond du cœur, ancré.
    C'est toi qui, de ton sang, leur vaillante âme arroses.




    Mohammed Zeïd
    Flormed


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  • L'attente



    Hilaire Germain Edgar de Gas, dit Edgar Degas (1834-1917)



    Si court soit-il, le temps de l'attente est toujours
    Un coup dur pour les nerfs. Sa lenteur agaçante
    Rappelle une tortue à l'ombre claudicante
    Sur des tas de cailloux jonchant dunes et gours.

    Voyez la dame en deuil qui pique le parterre
    Du bout de son pébroc, le chapeau sur les yeux
    Et les doigts tout crispés ! Trouve-t-elle joyeux
    Le tic-tac d'un cartel refusant de se taire ?

    Et la danseuse en pleurs se tenant le peton,
    Ne lui semble-t-il pas que le trot des aiguilles,
    Par sa lourdeur, est tel un pas mou de chenilles
    Dans un pré nébuleux où dort le hanneton ?

    La seconde parait plus longue que deux lustres
    Au fond d'un noir cachot perdu dans un désert
    Que le vent rugissant, seul compagnon disert,
    Quitte sans s'attarder pour les cités lacustres.




    Mohammed Zeïd
    Flormed


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  • Le semeur



    Jean-François Millet,
    artiste-peintre réaliste, pastelliste, graveur et dessinateur français
    (1814 - 1875)



    Peindre les paysans, c'est vivre sous le charme
    De la campagne qui, docilement,
    Se laisse labourer, loin, très loin du vacarme
    De la ville où tout se fait bruyamment ;

    C'est respirer les doux relents des emblavures
    Où le bon grain, se mêlant aux engrais,
    Trouve un lit chaud dans les sillons et gélivures
    Pour y germer, fi donc des bas degrés !

    Admirez ce jeunot répandant la semence
    D'un geste mesuré. Ni froid ni vent
    Ne peuvent arrêter son pas à la cadence
    Parfaite, toujours allant de l'avant.

    Quand il verra verdir la gluante et glissante
    Glèbe que, fièrement, de ses sabots,
    Il foule en l'écrasant, de sa voix fracassante,
    Il pensera, sans nul doute, aux poulbots.»

    Lorsque les épis d'or, plieront leur chevelure
    Sous le soleil ardent, il vous dira
    -«La terre offre du pain à tous, et sans exclure
    Aucun, pas besoin d'abracadabra !

    Vos petits fours, vos gâteaux et vos pâtes
    C'est mon effort, mon souffle, ma sueur
    Vous qui puez l'orgueil de la tignasse aux pattes,
    Je vous nourris ; respectez mon labeur !»



    Mohammed Zeïd
    Flormed


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  • Vieille femme endormie



    Nicolas Maes (1632-1693)

    Le poids des ans, guère et point, n'a de prise
    Sur l'esprit qui, des mots, fait son bon vin.
    Contemplez ces cheveux que l'âge grise
    Et ces yeux clos sans relaxant nervin !

    Voyez ces mains que le temps a marbrées
    Et ce front clair ayant gardé son teint
    Brillant dessous les rayures cendrées,
    Œuvre des jours qu'approuve le destin !

    Un bougeoir mort, une cruche, un vieux livre
    Poudreux gisant sur les genoux, des clés,
    Le tout sur fond de nuit... L'âme se livre
    Au rêve si doux, loin des murs bouclés.

    Mais d'où provient cette froide lumière
    Que mal reçoit la Bible aux sombres traits,
    Surplombant le carreau de dentellière
    Dont les fuseaux ont perdu leurs attraits ?

    Dormir ainsi, comme dans une geôle,
    Après avoir connu de beaux printemps,
    Est-ce déjà la fin qui vient, l'épaule,
    Libérer des lourds faix déshydratants ?





    Mohammed Zeïd
    Flormed


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