• Peinture de Julien Dupré  (1851 - 1910)



    Les blés sont déjà mûrs. Leur bel or à la houle
    De vagues blondes s'offre aux robustes faucheurs
    Qui, dès le chant du coq, faisant fi de la boule
    De fleu voguant là-haut, ne sont guère tricheurs.

    On coupe sans relâche,on sue, on met en gerbes,
    On se démène car, bien avant le coucher,
    Le ciel se fait rageur, menaçant. Les imberbes,
    Les filles, les poilus, tous vont se dépêcher.

    L'orage est imminent ! On le perçoit répandre
    Son ombre sur le champ à moitié moissonné.
    On se hâte. La nue est en passe d'étendre
    Ses flots sur le froment. Le pain n'est pas donné !

    Il faut travailler dur pour obtenir la miche !
    On doit mettre à l'abri les épis nourriciers.
    Sur la tête, le dos, les bras, nul ne pleurniche,
    C'est la vie! On n'a pas le repos des huissiers.

    Le moindre grain est ramassé. Pas de gâchage
    En prenant le chemin ! Tout est bon pour le four.
    Le soir, on est rompu mais on pense au battage.
    Tous se frottent les mains, du fermier au pastour.

    Pleins seront les greniers, la vaste bergerie
    Le poulailler, l'étable ainsi que les hangars...
    Pas de faim ! En hiver, vive la soûlerie !
    On vivra tels des rois, jouissant en leurs ksars.

    Ô Dupré, la magie a choisi ta palette
    Pour montrer à nos yeux ses tours sempiternels.
    Hommage à toi qui sus, à la bonne simplette,
    Subjuguer les regards par des traits solennels.



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  • Bergère gardant son troupeau.

    bergère
    Peinture de Julien Dupré  (1851 - 1910)

      

        Tiens ! un bout de dryade au pied d'un arbre
    Assez feuillu, faisant paître un troupeau
    Sur un pâtis couvert d'un ciel de marbre !
    On dirait qu'elle entend le gai pipeau
    Du pastour amoureux hantant son âme
    Et son cœur que, toujours, ce chant enflamme.

    Son chien soûlé par le parfum du foin
    Encore humide a fourré son oreille
    Aux creux de son genou. Son air chafouin
    Ferait penser qu'i est las, qu'il sommeille
    Il n'en est rien ; fidèle compagnon
    Qu'il est, jamais il n'a de ton grognon.

    Tout est serein. Une brebis s'approche
    Et fixe du museau le col ambré
    De l'égérie, un dolmen de Santoche
    Que les ans saccageurs ont démembré.
    Elle ne bouge pas une paupière.
    On la croirait une statue en pierre.

    Maître Dupré, d'où sors-tu ce joyau ?
    Est-il réel ? Est-ce le fruit d'un rêve
    Dont tu n'as maintenu que le noyau ?
    Ah! si j'avais été ton humble élève,
    Nuit et jour embaumant ton atelier,
    Buvant ton Art comme un fou templier.


    Mohammed ZEÏD


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  • La faucheuse au soleil


    Peinture de Julien Dupré  (1851 - 1910)


       Dignement sur ses pieds, la fourche à la main gauche,
    Et la droite en visière, elle semble admirer
    Le soleil tout en feu qui cherche à déchirer
    Le voile gris du ciel couvrant les foins que fauche
    Et met en gros amas l'homme au large chapeau
    De paille, recueillant la chaleur sur sa peau.

    Le foulard, le gilet,  la chemise et la jupe,
    Emboués, vous diront que ce labeur, très dur,
    Exige les bras forts, le bon cœur, l'esprit pur.
    Ce que cette beauté, sans fard, ni gants ni huppe
    Expose sous les yeux des férus des beaux arts.
    Moisissez dans vos trous, veules, boiteux lézards.

    C'est la vie en plein air qui sublime la joie
    De se sentir léger, plus libre que le vent
    D'une brillante aurore auprès d'un mont buvant
    La fraîcheur au godet de l'azur qui rougeoie.
    Ce qui vous fait défaut dans vos caissons pourris
    Plantés dans du goudron, de gaz puants nourris.

    Quittez, pour un moment, vos boites punitives.
    Allez vous promener près d'un ru, dans un pré,
    Au bord d'un vaste lac ;  d'un jeune bois pourpré,
    Admirez en passant les rustaudes actives !
    Allez donc respirer, de l'herbe, les senteurs
    Et voir suer, pour vous, moissonneurs et pasteurs!

    Maître Dupré, ton art sans nul égal m'envoûte.
    D'une toile à sa sœur, baignant dans la clarté
    Mon âme se nourrit de la fraîche beauté
    De Cérès qui se meut sous la céleste voute
    Tel un ange bénin. L'agrément pastoral,
    Qui lui sied à ravir, rend le jour sidéral.




    Mohammed ZEÏD


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  • La bergère 2



    Julien Dupré
    peintre français ((1851-1910)


          Elle est debout, les manches retroussées,
    S'appuyant des deux mains sur un bâton,
    Le regard fier, le front haut, le menton
    Ombrant son cou, perles éclaboussées
    Par le soleil... Un menhir en laiton !

    Elle remplit dûment sa longue robe.
    À ses pieds, presque nus, coule un filet
    D'eau ravissant dont l'occulte reflet
    Dore les joncs que l'herbe fraîche englobe
    Avec amour dans son petit ourlet.

    Le bois dressé telle une ample clôture
    Défend à ses ovins de s'éloigner.
    On les perçoit, de loin, dans l'air baigner
    Ou paître allègrement dans la nature
    Où le vert est le seul prince à régner.

    Maître Dupré, que fait cette dryade
    En cet endroit ? Je la vois de rubis
    Parée en un castel mais ses brebis
    -Je crois- valent, à ses yeux de naïade,
    Mieux qu'un trésor dans un étroit gourbis.

    Là, c'est l'azur, la paix, le grand espace,
    La vue ailée aimant de l'horizon
    Cueillir le frais de l'aube, le tison
    Du soir quand Nyx vient dévoiler la face
    De Séléné, fêtant sa lunaison.

    Est-il ailleurs un paradis terrestre
    Où jouir de sa vie, où se sentir
    Plus guilleret qu'un souffle de zéphyr
    Qui fait frémir la verdure sylvestre
    Sous un ciel chatoyant, bleu de saphir?



    Mohammed ZEÏD


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  • Les glaneuses 2



    Julien Dupré
    peintre français (1851-1910)

    Juste après la moisson, bel or des paysans,
    Il fallait transporter les gerbes fort grenues
    Vers l'aire du battage. En files continues
    Les rustaudes couraient sur les sentiers cuisants.

    Sur la tête, le dos, les bras et les épaules,
    Les épis sont remis aux mulets des batteurs.
    Un monde actif, n'ayant besoin de zélateurs
    Pour manier les faux, les fourches et les gaules.

    Voir cheminer ces gens portant de lourds fardeaux,
    Force notre respect. Profonde révérence
    À leurs cœurs valeureux, à leur belle endurance !
    Envers eux, la Vie est trop pingre de cadeaux.

    La fatigue est leur sort mais la bonne récolte
    Les aide à l'oublier. Les geniers à remplir
    Les somment de ne point se plaindre ni mollir
    Leur souffle imbu de foi ne connaît pas de volte.

    Aux abattoirs ceux qui dressent des monuments
    Aux lézards, ignorant la brave gent champêtre
    Dont chaque citoyen est un vaillant salpêtre
    Qui ne manque jamais à ses engagements !

    Honneur à toi, Dupré ! De ta riche palette
    Hors pair s'est anobli le grand Art du pinceau.
    Le pâtis, le vallon, la forêt, le ruisseau,
    Tout se meut, tout frémit dans la clarté complète.



    Mohammed ZEÏD


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