• Jeune fille lisant une lettre à la bougie

    Fille lisant une lettre à la bougie



    Jean-Baptiste Santerre, peintre classique français, (1658 -1717).  


    Mais que lis-tu, beauté ? La bougie a pâli
    De honte en te voyant luire telle une rose
    Au soleil par un jour qui sonne l'hallali
    De la nuit s'enfuyant dos à l'horizon rose.

    Est-ce un pli parfumé venu, de ton amant
    Lointain, faire frémir, de volupté, ton âme
    Espérant le retour de l'être au ris charmant
    Qui sait griser ton cœur du céleste dictame ?

    La grâce de tes yeux se refermant afin
    De laisser ton esprit savourer l'épistole
    Ferait songer un saint, serait-il séraphin,
    À rompre avec la foi, source de son pactole.

    Pour le miel de ta lèvre ; un fakir, si dévot
    Soit-il, délaisserait son prêche et sa prière.
    Il en prendrait comme élixir, goût de pavot,
    Buvant, soir et matin, à ta fraîche rivière.

    Un prince t'offrirait son palace et son or
    Pour effleurer du bout du nez la velouteuse
    Et tendre chair du cache-clé, ton beau trésor
    Que n'escamote point ta douillette soyeuse.

    Mais dis, ô vénusté ; cette missive, en vers,
    Est-elle pour te faire ainsi flamber de joie
    À dévoyer un ange et le rendre pervers ?
    Je me tais, mon calam, d'humilité, rougeoie !



    Mohammed Zeïd
    Flormed


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  •  Chemin à travers les coquelicots


     


     Artiste : Claude Monet (1840 - 1926)

    Sous un beau ciel mi-clair mi nuageux,
    Le bourg, sur le versant de la montagne,
    Respire l'air si pur dont les frais jeux
    D'ombres feraient rêver une sultane.

    Le sang fumant dont les coquelicots
    Parsèment richement l'ample verdure
    Offre au regard de beaux tas de fricots
    Qu'il dévore, aimant que le goût perdure.

    Ô Sieur Monet, avais-tu demeuré
    En cet éden où ce n'est là que songe
    D'un soir ?  Ton bel art, ayant effleuré
    La toile, fit le temps jeter l'éponge.

    Ce tableau restera l'un des meilleurs,
    Et le plus cher, à mes yeux de profane
    Par sa beauté, par ces traits éveilleurs
    Dont se repaît mon âme paysanne.



    Mohammed Zeïd
    Flormed


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  • Les mangeurs de pommes de terre



    Vincent Willem van Gogh (1853 - 1890)


    Sous les rayons blafards diffusés du plafond
    Par une lampe à chapeau, sans verre,
    Les braves paysans, tout fiers, se satisfont.
    De café noir et pommes de terre

    Le peintre, soucieux de nous faire saisir
    Que ces petites gens au teint ocre
    Aiment manger avec les doigts pour le plaisir,
    Fait fi de tout esprit médiocre !

    Leur joie est d'être ensemble à table en ce logis
    Étroit où le seul relent qui flâne
    Sous le vétuste toit est celui d'un mégis,
    Mais ils sont heureux dans leur cabane.

    Ils ont hersé, bêché, sarclé...Que de sueur
    Afin de rendre le sol arable !
    Se gaver de sa main, voilà le grand honneur,
    Même si l'habit est misérable !

    Dans le calme du soir, ils écoutent le chant
    Du vent, le hurlement d'une louve,
    L'aboi d'un chien, le cri d'un grillon se cachant
    Dans un pâtis tapissé de flouve...

    La vie est, disent-ils, une chaîne d'efforts
    Aux maillons ne demeurant solides
    Que si, du sol fécond, ils nourrissent leurs corps
    En gardant au ciel leurs fronts livides.



    Mohammed Zeïd
    Flormed


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  • La soupe du vieux faucheur



    Léon Lhermitte, peintre naturaliste français, (1844 -1925)


    Le vieux faucheur, bras nus, les cheveux au soleil,
    Assis, pieds allongés parmi des tas de canche,
    Un martel à la main, battait le fer sans manche
    Ayant coupé, sans nul répit, dès le réveil.

    À son dos, son fiston, chapeauté, se délasse
    Accoudé sur l'herbage offrant de la fraîcheur
    À son corps halbrené, suant tel un raucheur,
    Sous le ciel paraissant se couvrir de mélasse.

    La bru s'en vient avec un pot pendant au bout
    De sa droite, un gros sac en toile sur l'épaule.
    Le gars fixe des yeux la belle rousserolle
    Qui, sans sortir un mot, demeure là, debout.

    De la soupe et du pain font la maigre pitance
    À prendre goulûment avant de retourner
    Le foin, dur travail que l'on ne peut ajourner
    En cette contrée où l'herbe a son importance.

    Ô Léon, ton pinceau n'a presque rien omis
    Du vert gris se mêlant à l'ocre de la terre
    D'où l'ombre a disparu, condamnée à se taire
    Tels ces bons paysans aux fronts par l'air blêmis.



    Mohammed Zeïd
    Flormed


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  • Le petit colporteur endormi.



    Jules Bastien-Lepage, peintre de la Lorraine, (1848- 1884).

     ♦

    Las de fouler le sol, il ôte ses souliers ;
    À ses orteils meurtris, donnant une relâche,
    Et s'affaisse illico dès qu'il se déharnache
    Du faix qui crèverait tout un corps de rouliers.

    Il s'endort, dos au mur, son bâton sur le bide,
    Une jambe en levier et l'autre aplatissant,
    En quête de chaleur, son chien se délassant
    Comme lui, dégoûté de montrer sa peau vide.

    Le banc désert, témoin muet de leur torpeur,
    Fait fi de leurs yeux clos dont le sommeil écluse
    Les rus de larmes qui, fuyant le jour d'où fuse
    La blessante clarté, déferlent en leur cœur.

    Ô Jules, ton pinceau, peintre de la Lorraine
    Pourrait-il s'infiltrer dans l'esprit morfondu
    De cet enfant si beau que la vie a tondu  
    Ratissé jusqu'à l'os, noyé dans la déveine?



    Mohammed Zeïd
    Flormed


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