• Pitié, je crève !

    Les larmes sur ta joue ont l'air d'une rosée
    Que le matin fait luire et rouler sur les blancs
    Pétales d'une fleur que la brise a baisée
    En parcourant, du mont, les majestueux flancs.
    Te voir pleurer me fait souffir. Mon cœur qui rêve
    De t'enrober de joie, endurerait d'un glaive
    Mille coups mais ne peut supporter que soulève
    Ton sein quelque soupir par un chagrin jeté
    Sur ta vie à son aube. Ô ma douce sylphide,
    N'abîme pas tes yeux car ton regard splendide
    Éclaire mon chemin qui deviendrait aride
    Et  ma lyre mourrait pour fuir sa pauvreté.

    N'avions-nous pas juré de vivre la folie
    De l'âge des amours jusqu'au dernier instant
    Ici-bas ? Tu ne peux l'oublier, ma jolie!
    La forêt, la montagne et le vent répétant
    Nos chants ont souvenir de nos belles soirées ;
    La lune caressait tes étoffes moirées
    De ses rayons laiteux ; les étoiles parées
    De brillants se miraient dans tes iris joyeux.
    Revois ce beau passé dans le bois aux délices
    Où nous avions bâti le nid où les caprices
    Que je faisais t'ouvraient le ciel des cantatrices
    Fredonnant gaiement un air mélodieux.

    Ta bajoue, ô Faty, tes pleurs l'ont arrosée
    Beaucoup plus qu'il n'en faut  de leurs filets brûlants
    Je t'en supplie, assez! L'affre que m'a causée
    Ton chagrin est un vent aux souffles désolants
    Qui s'en prend à mon cœur, grille toute sa sève
    Tes sanglots m'ont talé ; pitié, je crève !

    Mohammed ZEÏD

     

     

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  • Femme versant à boire .

    Femme versant a boire .

    Peinture de Julien Dupré  (1851 - 1910)
     

     

    Femme versant à boire .


    La fourche et le râteau, la faux sous le soleil
    Arrosant de son feu le champ jonché de meules,
    Flots de sueur et soif, dos meurtri, jambes veules,
    Bras noués, gros chapeau couvrant le front vermeil.

    Il s'assoit, sur un tas, et tend une timbale
    Que sa femme remplit en vidant son cruchon.
    Docile des sabots à la tête en fanchon,
    Elle sert, avec l'eau, l'amour qu'elle trimballe.

    Les labeurs de la vie ont en ces lieux ruraux
    Leur boulet mais aussi la bonne récompense:
    Cueillettes et moissons, et surtout l'existence
    Loin des tracas des tours aux cages à barreaux.

    Ô Dupré, ce moment que ta savante brosse
    Avait, tel quel, rendu témoigne du grand art
    Dont tu devais hisser le brillant étendard
    De la peinture qui, de toi, fit un colosse.

    Les braves paysans que tu faisais bouger,
    Par tes coups de pinceau, revivaient sur tes toiles,
    Pleins de force, d'espoir, croyant en leurs étoiles,
    Tous au travail,soit-on grand fermier ou méger.

    Cet agreste univers, par sa poule et sa vache,
    Fut la source limpide où ton attachement
    Au Beau trouvait le grain, le foin, l'air fraîchement
    Parfumé de pain chaud, de senteur de goulache.

    Je te rends, par ces vers, en toute humilité,
    Cet hommage éclatant que ma flûte champêtre
    Au chant de rossignol hérité d'un ancêtre
    Confie au doux zéphyr par un matin d'été.


    Femme versant a boire .


     Mohammed ZEÏD
      
     




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  •  

    Toi mon nid !

    Ô mon nid, ta douceur par le ciel éclairée
    Voulut que soit ma vie un charme pénétrant
    Aussi dus-je t'aimer. Mon âme libérée,
    En ton sein, ne connut de cauchemar frustrant.

    Seulement quatre murs tout empreints de tendresse,
    Et le courant des jours tel un ru de bonheur
    Fit couler tant de bleu sur le fil de l'ivresse
    Qu'une rose sourit au soleil butineur.

    Ô mon logis, ton nom, même si je te quitte,
    Restera, bien scellé dans les tréfonds du cœur.
    Je te verrai partout, horizon sans limite,
    Tel un reflet tracé par un subtil croqueur ;

    Si notre ami le vent berce les amours mortes,
    Il sait aussi souffler les vieux airs d'autrefois,
    Il les met en chanson, les glisse sous les portes
    Connaissant les secrets des nouveaux villageois !

    Ni le jour, ni la nuit, ni le cours des années
    N'auront d'effet nocif sur ton éclat charmant
    Qui sera mon complice au temps des fleurs fanées
    Et lors des amples soirs du grésil endormant.

    Le printemps bénira nos heures vagabondes
    Et je me souviendrai de chaque cri d'oiseau
    Que la vieille pendule à toutes les secondes
    S'amusait à calquer de ses doigts en fuseau.

    Le bel été fera scintiller tes verrières
    Et tu prendras l'aspect d'un beau château royal
    Que berceront les chants des nymphes des lisières
    Sous un ciel étoilé, la lune ouvrant le bal.

    Quand le noir fermera les cils de cette histoire,
    Nous confierons les clefs de notre portillon
    À celui qui, sans bruit, regagnant l'écritoire
    Aura su réveiller ballade et carillon !

    Toi mon nid !

     


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  •  
    La liseuse

     

    Peinture de J-H. N. Fragonard (1732 -1806 )  reproduite par Claudie
      

    La liseuse

     
    Tout près de la fenêtre instillant la lumière
    Dans son réduit silencieux d'ombre ouaté,
    Elle suit du regard les mots ayant flatté
    Son âme que l'écrit, tel un psaume, sidère.

    Le bel éclat du jour que le jaune citron
    De sa robe reflète en douce nitescence
    Sur son front innocent confère à sa jouvence
    Un attrait de sylphide en chemise à plastron.

    Les flambantes couleurs et la fine dentelle,
    Les rubans violets, le mignon chignon haut,
    Vous diraient, d'une voix de sagace héraut,
    Que la fille inconnue allait être immortelle.

    L'illustre peintre a su, par ses jeux de pinceaux,
    Conter l'envoûtement qu'exerce la lecture
    Sur le cœur qui jouit, sur l'esprit qui pâture
    Dans le pré du recueil déployant ses ruisseaux

    Claudie, en imitant Fragonard à la brosse
    Magique, tu ressors son art très raffiné.
    Ce portrait que ta main d'esthète a câliné
    Est rené car, pour toi, peindre est un sacerdoce.

    Toi qui prônes le beau, veuille accepter ces vers
    Qui, je l'avoue, ont une apparence sans grâce.
    Le verbe et le motif : fantaisie où s'enlace
    L'envers peu reluisant au lumineux avers.


    Mohammed ZEÏD

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  • La fille au chat  



    Tableau d'Auguste Renoir (1841 - 1919 )



    Béni sois-tu, grand Roi ! ton art prodigieux
    Dut soûler de plaisir ce mignon petit fauve
    Au regard fascinant, au ronron spongieux,
    À l'aise dans les bras d'une fille d'alcôve.

    Se griser du parfum d'une nymphe au regard
    Si doux est un soulas pour la bête tigrée
    Qui se laisse chérir
    fuyant le vent hagard
    De la rue où l'on crie, où l'on râle et maugrée.

    La jeune vénus tient tendrement l'animal
    Comme une mère prend avec douceur son ange
    Pour le faire rêver d'un azur baptismal.

    Ce merveilleux amour, nul bruit ne le dérange,
    Nul être n'en détruit le fil d'or attachant
    Ces deux beautés que fait valser le même chant.


    Mohammed ZEÏD


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