• Pitié, je crève !

    Les larmes sur ta joue ont l'air d'une rosée
    Que le matin fait luire et rouler sur les blancs
    Pétales d'une fleur que la brise a baisée
    En parcourant, du mont, les majestueux flancs.
    Te voir pleurer me fait gémir. Mon cœur qui rêve
    De t'enrober de joie, endurerait d'un glaive
    Mille coups mais ne peut supporter que soulève
    Ton sein quelque soupir par un chagrin jeté
    Sur ta vie à son aube. Ô ma douce sylphide,
    N'abîme pas tes yeux car ton regard splendide
    Éclaire mon chemin qui deviendrait aride
    Et  ma lyre mourrait dans la passivité.

    N'avions-nous pas juré de vivre la folie
    De l'âge des amours jusqu'au dernier instant
    Ici-bas ? Tu ne peux l'oublier, ma jolie!
    La forêt, la montagne et le vent répétant
    Nos chants ont souvenir de nos belles soirées
    La lune caressait tes étoffes moirées
    De ses rayons laiteux, les étoiles parées
    De brillants se miraient dans tes iris joyeux.
    Revois ce beau passé dans le bois aux délices
    Où nous avions bâti le nid où les caprices
    Que je faisais t'ouvraient le ciel des cantatrices
    Fredonnant sans finir des airs mélodieux.

    Ta bajoue, ô Faty, tes pleurs l'ont arrosée
    Beaucoup plus qu'il n'en faut de leurs filets brûlants
    Je t'en supplie, assez! L'affre que m'a causée
    Ton spleen est un enfer aux souffles désolants
    Qui s'en prend à mon cœur, grille toute sa sève.
    Tes sanglots m'ont talé ;grâce! pitié! je crève !





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  • L'ardent soleil de thermidor


    L'ardent soleil de thermidor prématuré
    Répand sur le village une trombe de flammes.
    On entend grésiller le chemin torturé
    Par les reflets du ciel ankylosant les âmes.

    Pas un oiseau n'ose voler. Du bois muet
    S'exhale en tourbillons un relent de fournaise.
    La rivière se tait .On voit son cours fluet
    Serpenter, mort de soif, sur un tapis de glaise.

    Faute de monnaie, on est sourd à l'appel
    De la mer. Pour un gueux, avaler du napel
    Serait moins douloureux que s'enfuir dans la plage.

    On subit la chaleur et ses calamités.
    En espérant l'hiver aux sombres nudités
    Qui viendra démonter ces gens de tout pelage.




    Mohammed ZEÏD


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  • Il portait les armes.

    Hors de son coin natal, sous un autre drapeau,
    Un jeune aux cheveux bruns, vif smâli* téméraire
    Criait : «Vive la paix», quitte à laiser sa peau.
    Il ne regrettait point sa tente et son araire.

    L'été battait son plein et les chars ennemis,
    Dégobillant la mort, élimaient leurs chenilles.
    Loin des yeux somnolents des illustres commis
    De l'État, les soldats honoraient leurs guenilles.

    L'homme venu d'ailleurs fut gravement blessé.
    On le rendit au bled, laissant là-bas trois côtes.
    Il vécut miséreux, infirme et délaissé.

    Son livret* a jauni tel un carnet de notes,
    Chez son fils -né deux ans après le grand conflit-
    Que tout bruit de canon, d'épouvante, remplit.


    Mohammed ZEÏD


    mon père
     


    *smâli : de la tribu des smâla, guerriers de la région d'Oued-zem.

    *livret militaire délivré à Reims


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  •  Epitaphe


    Le ciel s'est assombri, voilant mes yeux de brume;
    Puis il a grêlé de l'amertume, en mon cœur !

    Des éclairs de tourments, des tonnerres de maux,
    Ont vidé leurs torrents lacrymaux ; en mon cœur !

    Plus jamais de beau temps ! Le jour s'est fait nocturne
    La nuit, sans lune,  prend le cothurne, en mon cœur !

    Seul un spectre lointain déchire l'horizon
    Pour planter un infernal tison, en mon cœur !

    Maudit soir qui dut voir se défraîchir ma rose.
    Crachat pourri d'un démon morose ,en mon cœur !

    Un sort cruel, odieux assassin, charognard
    A  désaltéré son vil poignard, en mon coeur

    A quoi bon vivoter ?  Ma  douce âme est partie
    Une épine, laissant, bien sertie, en mon cœur.

    Monts et bois, rus et  lacs ont connu mon chagrin.
    Le monde ne pesait plus un grain, en mon cœur !

    J'avais crié, hurlé, pleuré ... Peine perdue !
    L'écho gravait sa voix éperdue, en mon cœur!

    Attendre le départ est devenu mon lot.
    La souffrance a bâti son brûlot ; en mon cœur.

    Un matin sans soleil, je m'en irai la joindre
    Pour que cesse la douleur de poindre, en mon cœur.

    Un rossignol dira, là-haut, mon oraison
    En vers s'entassant en fenaison ; en mon cœur.

    Tout  promeneur lira sur ma sombre épitaphe :
    Ces mots  ayant  vécu, sans paraphe ; en mon cœur:

    Ci-gît  le troubadour dont le chant fut en pleurs
    Après la mort de Zahr et ses fleurs, en mon cœur.

     

    Mohammed Zeïd

    À chacun son chemin.

     


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  • Monde à deux faces

    Quels souvenirs gardera cet enfant
    Mal nourri, mal vêtu, qui voit sa ville
    Se défoncer sous les obus truffant
    De sang ses murs épars? Chef imbécile
    Qui se plait tellement à voir ses chars
    Vomir la mort pendant que, lui, d'achars
    Il s'emplit le bedon, crie et jubile.

    Ailleurs, la joie! on attend le traîneau,
    Sapin brillant près de la cheminée,
    Mets succulents et bon vin en tonneau,
    Puis la bombance est gaîment terminée
    Par un air ambrosien qui fait frémir
    De volupté les yeux prêts à dormir
    Dans un lit rose à lueur satinée.

    Et les menteurs, tassés dans les fauteuils
    Dorés, perlés, fardent leurs verbiages
    De paix, de droits, n'ayant cure des deuils
    Que répandent les tanks dans leurs sillages.
    Existe-t-il un mot pour désigner
    Ces fous pourris que l'on voit se baigner
    Dans les mers d'or, récoltes des pillages.

    Ô pauvre Fahd que l'on fait trépigner
    Dans la gadoue, un jour, leurs attelages
    Maudits, devront, sans nul coin épargner,
    Démolir leurs cités tels mille orages.

     

    Mohammed ZEÏD

    Le sirvente, voir fiche sur POÉSIS


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