Sapho se précipitant à la mer
tableau de l'artiste
Jean-Joseph Taillasson (1745–1809)
La fille de Lesbos avait une appétence
Mystique de l'amour. Les nymphettes des lieux
Lui tapaient dans l'esprit. De son désir intense,
Elle tirait souvent ses mélancolieux
Vers sifflant tel un vent déchaîné dans les frênes.
Ah! les fraîches vénus des doux îlets héllènes !
Elle leur dédiait ses mots ; sa lyre d'or
Élevait aux hauts cieux leur charme de déesses
Dont elle jouissait tel un prince lindor
Gaspillant pour un sein d'importantes richesses.
Elle écrivait, chantait. La sensualité
Fusait de ses vélins en toute humilité.
Sa demeure vouée au culte d’Aphrodite
Fut école des arts pour les fleurs des entours
Aimant s'initier aux dons de l'érudite
Qu'elle était à leurs yeux toujours repus d'amours.
Doit-on la condamner pour ses élans vitaux
Ou goûter le bonheur, non feint, dans ses cristaux ?
D'après Ovidius, elle avait dû s'éprendre
D'un jeune, dit Phaon. Son cœur fut ébranlé
Car ce garçon charmant, vu comme chair de sandre
Par les dames du coin, n'aimant être attelé
Au char d'un lit à deux, la laissa bien tôt choir.
Son esprit fut brisé par ce coup de hachoir.
Elle alla se jucher sur le roc de Leucade
Pour un dernier regard sur la mer dont les flots
Eurent l'ultime droit à sa douce accolade
Que bénirent les airs fleurant dans des îlots.
Là, finit son parcours. La Grèce, consternée,
Porta longtemps le deuil. Ô rude destinée !
30-08-2019
bjnb