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Artémis
Anonyme de l’École de Fontainebleau
(vers 1550)
L'élégante Artémis, jumelle d'Apollon,
Couve de son regard la nature sauvage :
La forêt, le pâtis, le mont et le vallon,
Présidant à la chasse, elle hait le carnage.
Elle et ses deux consœurs Hécate et Séléné
Ont formé, chez les grecs, la triade Lunaire
Diane des romains que rien n'ose défaire
De son bel agrément qui n'est jamais fané.
Voyez comme l'artiste a mis toute l'adresse
Qu'il faut pour modeler son aspect ravissant
Sur la toile que l'œil, de s'en charmer, ne cesse.
On dirait une fée. Un mage, en s'en rinçant
L'œil, oublierait sa foi.Toute vénus, fut-elle
Enfant de roi, ne peut avoir de tels appas.
Quel fou refuserait d'admirer son compas ?
Regardez sous la main saisissant la bretelle !..
Son sloughi, s'enivrant de son parfum divin
Flaire le vent, ravi d'être le seul complice
De la fille de Zeus. Faut-il être devin
Pour découvrir son jeu ? Frôlant la jambe lisse,
De sa jeune compagne, il semble s'élancer
Mais simple illusion ! Là se trouve sa joie,
Et là doit-il se plaire. Alors, toute autre voie
N'a l'honneur de le voir, sa marche, cadencer.
04-09-2019
bjnb
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Sapho se précipitant à la mer
tableau de l'artiste
Jean-Joseph Taillasson (1745–1809)
La fille de Lesbos avait une appétence
Mystique de l'amour. Les nymphettes des lieux
Lui tapaient dans l'esprit. De son désir intense,
Elle tirait souvent ses mélancolieux
Vers sifflant tel un vent déchaîné dans les frênes.
Ah! les fraîches vénus des doux îlets héllènes !
Elle leur dédiait ses mots ; sa lyre d'or
Élevait aux hauts cieux leur charme de déesses
Dont elle jouissait tel un prince lindor
Gaspillant pour un sein d'importantes richesses.
Elle écrivait, chantait. La sensualité
Fusait de ses vélins en toute humilité.
Sa demeure vouée au culte d’Aphrodite
Fut école des arts pour les fleurs des entours
Aimant s'initier aux dons de l'érudite
Qu'elle était à leurs yeux toujours repus d'amours.
Doit-on la condamner pour ses élans vitaux
Ou goûter le bonheur, non feint, dans ses cristaux ?
D'après Ovidius, elle avait dû s'éprendre
D'un jeune, dit Phaon. Son cœur fut ébranlé
Car ce garçon charmant, vu comme chair de sandre
Par les dames du coin, n'aimant être attelé
Au char d'un lit à deux, la laissa bien tôt choir.
Son esprit fut brisé par ce coup de hachoir.
Elle alla se jucher sur le roc de Leucade
Pour un dernier regard sur la mer dont les flots
Eurent l'ultime droit à sa douce accolade
Que bénirent les airs fleurant dans des îlots.
Là, finit son parcours. La Grèce, consternée,
Porta longtemps le deuil. Ô rude destinée !
30-08-2019
bjnb
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Diogène de Sinope ou Diogène le Cynique
philosophe grec de l'Antiquité
(Sinope v. 413 – Corinthe, v. 327 av. J.-C.)
Peinture de
Jean-Léon Gérôme?
peintre et sculpteur français, membre de l'Académie des beaux-arts.
(1824–1904)
*
Diogène était né dans un lit d'argentier
Mais le père, truqueur, alla moisir en tôle.
L'enfant s'enfuit pour se trouver faisant école
Avec Antisthénês dont il fut l'héritier
Des pensers enseignant que tout était frivole.
Son maître mort, le voilà chef, incontesté,
Des cyniques, moquant toutes les convenances.
Il vivait à l'écart, une jarre sans anses
Lui servait de maison, après avoir pesté
Contre tout importun méprisant ses croyances.
Par sa lampe allunée en plein jour, il disait
Aux humains que leur vie avait l'air ténébreuse,
Trop de faste rendant leur essence pierreuse ;
Or il cherchait un homme, un vrai. Qui s'enlisait
Dans le luxe, pour lui, n'était qu'une noix creuse.
Ses compagnons, les chiens, menaient à ses côtés
La vie austère que, par ses actes et dires,
Il prêchait. Nul ne put se soustraire à ses ires.
Il jugeait, critiquait, raillait les voluptés.
Pour lui, les magistrats étaient tous des satyres.
Alexandre voulut se montrer généreux
Envers ce vieux peinard, d'une voix débonnaire :
-«Puis-je vous dépanner , lui dit-il, congénère ? »
-«Barre-toi du soleil !» gronda d'un ton glaireux
Le philosophe imbu de sa doctrine amère.
La lumière ayant fui ses yeux, on le voyait
Demander du secours, main tendue aux statues.
Le roc, malgré son froid, sur les routes pentues,
Le prenait en pitié.Rien ne le dévoyait
De son obscur chemin, sur les terres battues.
Hommage au peintre qui, sur ce tableau si clair,
A traduit les leçons que donnait Diogène
Assis dans son logis, tel un gros ver, sans gêne,
Entouré de ses clebs ayant perdu leur flair.
Je finis en criant : gloire à l'esprit hellène !
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Cicéron découvrant le Tombeau d'Archimède.
Pierre-Henri de Valenciennes
Artiste peintre français néo-classique
(1750-1819).
Cicéron, l'orateur, fut un homme de lettres,
Un poète romain dont l'Art est à nos jours
La source à l'eau limpide où s'abreuvent les maîtres
Rhétoriqueurs ouvrant les portes et fenêtres
De la langue prisée aux ksour, salons et cours.
Devenu chef d'État, il voulut, d'Archimède,
Découvrir le tombeau. Le savant vertueux
Que Syracuse avait négligé dans la guède
Entre autres épineux à l'apparence laide
Devait revoir le jour en ce lieu somptueux.
Cicéron partit donc, avec trois bons esclaves,
Vers la ville où gisait le père d'Eurêka !
Les serviteurs, suant, se montrèrent si braves
Qu'ils fouillèrent l'endroit, levant haut leurs fronts hâves.
Oh! sous leurs bras noueux tout arbre dur s'arqua.
Les buissons filandreux et les ramures sèches
Furent vite enlevés. Le sentier conduisant
Vers la tombe montra ses contours que des mèches
De verdure bordaient de leurs pénombres fraîches.
La stèle put sourire au soleil l'irisant.
Honorer l'érudit, c'est hisser la science,
C'est brandiller au ciel le drapeau du savoir,
Un génie oublié, honte à la descendance
Qui force son déclin, hâte sa décadence .
Sans sages ni penseurs s'effrite le pouvoir.
L'artiste-peintre a pu produire un paysage
Où le fictif côtoie aisément le réel,
Où le clair et l'obscur font un joli partage
Pour le plaisir des yeux. Un éclatant hommage
Je lui rends par ces vers au rythme naturel.
Mohammed ZEÏD
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Joséphine
Portrait en pied de l’Impératrice Joséphine par
Henri-François Riesener
(1767-1828)
Fille de l'Île-aux-fleurs, Joséphine, "la belle
Créole", dut venir au pays du Massif
Central pour se lier au général rebelle
Qui fut exécuté, laissant sa colombelle
Et ses deux oisillons dans un deuil oppressif.
Prisons, salons, amants, déplaisirs, allégresses
Ont jalonné de bout en bout son long parcours.
En son cœur courageux enterrant ses tristesses,
Fiée à sa beauté, ses béguins et prouesses
Elle étala partout pour vivre moult amours.
Six ans après, elle eut un bon coup de fortune
En rencontrant un officier réputé grand
Qui l'épousa. Sa vie changea, même la lune
Lui sourit ; la voyant sur la haute tribune
De l'État, le soleil lui fit un clin flagrant.
Femme de l'empereur, de tout faste entourée,
Rose - ô destin- fut couronnée et son époux
L'appela Joséphine, agnelle énamourée
Du jeune souverain, union savourée
Pendant plus de cinq ans sans se tâter le pouls.
Des arts et des jardins, sa passion première,
Elle devint la fleur du palais. Son mari,
Pour asseoir son pouvoir, voulut que sa rosière
Lui donnât l'héritier qui rendrait sa lumière
Éternelle ; désir, de majesté, nourri !
Mais l'enfant ne vint pas et ce fut le divorce !
La dame retirée en son château lointain
Tout refait, prenait soin, point ne bombant le torse,
De ses plantes. Perdant son éclat et sa force,
Elle mourut à Malmaison lors d'un matin.
Mohammed ZEÏD
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