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Quand vient la nuit, fuit le sommeil, surgit ma fée.
Son parfum me grisant, mon esprit prend le vol
Vers les ciels des trouveurs où je romps mon licol
Pour que vogue à loisir mon âme surchauffée.
Là-haut, parmi ces clercs, confrères d'autres temps,
Le faix des maux s'allège et la plume recouvre
Sa grâce que le jour aux raffuts troublants couvre
De sa fausse clarté qui meurt dans ses tartans
Quand vient la nuit.
Mon cœur abhorre tant de camper dans sa sphère
Comme un garçon chétif contraint par ses parents
A croupir sous un toit aux relents torturants.
Fi du lit froid ! dès que le fils d'Hypnos me ferre
Fuit le sommeil.
Et j'attends, l'œil brillant dans le noir envahi
Par des êtres lointains à l'air serein, amène.
Chaque soir, s'accomplit le même phénomène
Sitôt que je revois mon père, le spahi,
Surgit ma fée.♥
Mohammed Zeïd
Flormed
Ce poème est un quintillon, forme récemment créée par mon ami poète M. Doucet
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Loin de vos grands secrets, ô monts que j'aime tant
Pour vos nuits qu'embellit le sourire lunaire
Eclairant mon esprit, sur vos sommets, flottant ;
Ma vie est un calvaire.
Cet exil où se meurt de soif mon parchemin
Que ne peut abreuver de ses larmes la plume
Ayant crevé dans ce désert au reg carmin,
Dans un cloître, m'inhume.
Pourrais-je un jour revoir les versants et coteaux
Où ma jeunesse dut, dans la gaîté, s'éclore
Parmi les prés, les rus, les lacs, les boqueteaux
A l'ample et riche flore ?
Irais-je un soir puiser mes mots dans la fraîcheur
De ton vent charriant le parfum de lavande
Vers l'herbeuse vallée, en faisant le marcheur
A l'âme révérende ?
O mon bled adoré, ton ciel est sans pareil :
Magique quand jaillit du noir est ton aurore.
Aurais-je à me remplir les yeux du beau réveil
Du jour levant son store ?
Sublime est ton coucher zébrant de rouge clair
Les crêtes que la nuit vient couver sous sa tente
Dont les célestes fleurs, d'aise, font flûter l'air
Dans la forêt dormante !
Vivrais-je une soirée au rai d'un feu de bois,
Auprès de la moitié de mon cœur qui la pleure
Chaudement en rimant sa misère aux abois,
Sans arrêt, à toute heure.
O supplice, ô chagrin, serais-je condamné
Par le sort à finir au fond d'une fournaise
Arrachée aux enfers pour avoir profané
Une félonne ascèse ?
Ce sont leurs us de fous, qui m'ont causé du tort ;
Aussi dus-je quitter leur sol et leur science
Que j'ai dû désigner de talisman pour mort,
Contraire à mon essence.
J'ai déguerpi des lieux pour changer d'horizon
Mais c'est au pays que je vis par la pensée
C'est là-bas que je vois ma dernière maison
D'eau de rose encensée.
Mohammed Zeïd
Flormed
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Je sais très bien que je suis hors saison ;
Parler d'Amour, c'est perdre la raison !
-« Reste à l'ombre ! c'est plus sage,
Me dis-je d'un ton creux, en soupirant ;
Sa belle fleur a le dard déchirant ;
Gare à ton cœur à cet âge ! »
La douce voix d'une nymphe me dit :
-«Je vis pour toi, vis donc pour moi, pandit
Que j'aime tant, toi le sage
Fakir aux mots imbus de la douceur
Des vers qu'hier fredonnait le trouveur
N'ayant cure de son âge. »
-« Mais les temps ont changé ! dus-je crier,
Ne vois-tu pas à sec mon encrier ?
Va-t'en, je crois qu'il est sage
De garder mes agneaux dans un pré vert
Que de pleurer le soir, à découvert,
Les souvenirs du bel âge. »
-« Abreuve de tes pleurs un parchemin ;
Aime-moi fort, je flèche ton chemin,
Je l'éclaire ; ô mon beau sage,
Ne me quitte jamais ; je veux, de foi,
Remplir ton cœur. Tes rimes feront loi
Car tout mûrit avec l'âge. »Mohammed Zeïd
Flormed
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"Que mon désir, entre tes cils, s'évanouisse !
Si te chérir est un méfait, je suis foutu.
Guillotine ou bûcher, on me mène au supplice.
Je pars lorsque j'aurai, leur canon, abattu !
Le ciel ayant voulu, ce jour-là, que je visse
Déambuler, sur mon chemin, ta vénusté,
J'ai dû clamer, pour toi, devant sa Volonté,
"Que mon désir, entre tes cils, s'évanouisse !"
Mais en notre contrée, il faut être vêtu
Du gilbab d'un imam plus aveugle qu"intègre.
Un amoureux est vu tel un malfrat de pègre.
Si te chérir est un méfait, je suis foutu.
Aux yeux de ces baveurs, tout amour est un vice.
Quand ils pointent du doigt un jeune, si pieux
Soit-il, malheur à lui ! je suis donc odieux ;
Guillotine ou bûcher, on me mène au supplice.
Que souffle leur simoun, je ne suis ni fétu
Ni grain de sable sec ; je leur ferai tous boire
Du jus de ma ciguë ; ils doivent donc me croire.
Je pars lorsque j'aurai, leur canon, abattu !
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Sans amis, sans parents, sans emploi, sans fortune,
Je n'ai que la prison pour y passer la nuit.
Je n'ai rien à manger que du gâteau mal cuit,
Et rien pour me vêtir que déjeuners de lune.
ermain Nouveau(1851-1920)
La chanson du troubadour
Le chant du pauvre
Errant par-ci, par-là ; voilant ma tête brune
D'un turban délavé par les ans miséreux.
Oh les pourris, ils m'ont laissé tel un lépreux
Sans amis, sans parents, sans emploi, sans fortune.
De mes peines du jour, je ne cueille nul fruit.
Le ciel semble ignorer ma lugubre existence
Sans gite ni couvert sur cette terre immense,
Je n'ai que la prison pour y passer la nuit.
J'ai beau trimer, suer, rouler partout ma bosse.
Le sentier caillouteux, fort haineux, me déchausse.
Je n'ai rien à manger que du gâteau mal cuit.
Je suis gai même si je n'ai pas une thune
Pas de sac à la main, pas de chien qui me suit
Et rien pour me vêtir que déjeuners de lune.
Mohammed Zeid
- Flormed -
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